L’importance accordée par le landerneau pugilistique aux 50 ans du premier Ali vs Frazier dit bien sa nostalgie du temps où un gala de boxe pouvait figer l’Amérique entière, et ses secousses sismiques atteindre le moindre recoin de la planète. Le boxing buisness a depuis accompli la gageure de vendre toujours plus de pay per views tout en intéressant de moins en moins l’individu lambda. Si ce 8 mars 1971 fut bien la date d’un « combat du siècle » qui méritait l’appellation, il reflète aussi, rétrospectivement, une époque où l’église se dressait fièrement au milieu du village de l’escrime de poings : ce marigot-là était certes dense de magouilles en tout genre, elle font partie du grand barnum pugilistique depuis sa création, mais enfin on comptait moins d’une cinquantaine de champions du monde en activité – c’est grosso modo le nombre actuel de titres attribués par la seule WBA – et ceux qui arboraient les ceintures en question étaient bien les meilleurs boxeurs du lot.

Chez les lourds, le régent Frazier était donc devenu roi légitime en terrassant Ali. Non sans renoncer à son paquet de clopes quotidien, Niccolino Locche enfumait copieusement ceux qui convoitaient sa ceinture WBA des super-légers. Carlos Monzon avait conquis la couronne de champion unifié des moyens aux dépens de Nino Benvenuti à l’issue d’un duel d’anthologie. En mi-lourds, Bob Foster cassait des gueules de challengers WBA-WBC avec une régularité de métronome à long balancier. Et là où un despote n’écrasait pas la concurrence de ses gants plus minces qu’aujourd’hui, on sentait poindre une relève de prestige : un certain Roberto Duran fonçait vers une chance mondiale en légers, le Brésilien Eder Jofre poursuivait un patient comeback qui le verrait triompher en plumes, et son successeur mexicain chez les coqs Ruben Olivares récupérerait son dû moins d’un mois après Ali vs Frazier… Au moins « El Puas » – Le Pou – Olivares avait-il temporairement cédé son sceptre à un dur de dur, son compatriote Chucho Castillo.

Dans ce tableau d’exception, la mythique catégorie des welters avait de quoi susciter un froncement de sourcils : son champion unifié Billy Backus n’avait pas tout à fait le pedigree d’un grand. Celui qui remporta sept de ses dix-neuf premiers combats professionnels était certes le neveu d’un certain Carmen Basilio, adversaire de Sugar Ray Robinson sacré en welters puis en moyens, fameux pour protéger ses poings avec sa tête – imaginez qu’en comparaison des siens les combats d’un Erik Morales font figure d’aimables parties d’échecs. Après trois revers consécutifs aux points, Backus était allé jusqu’à raccrocher les gants à l’âge de 22 ans. Il fut bien avisé de reprendre sa carrière une trentaine de mois plus tard par pure nécessité financière : l’honnête palmarès qu’il se forgea dans la foulée lui permit d’atteindre la 10eme place mondiale et d’attirer ainsi l’attention du cador de l’époque, en quête d’un challenger pour une fois pas trop exigeant : le Cubain-devenu-Mexicain José Nápoles, champion unifié des moins de 147 livres...