Avril Bénard a écrit son premier roman sans rien savoir de l’éclatement prochain d’une guerre aux portes de l’Europe, mais avec l’intuition de son imminence ; autant dire que l’action d’À ceux qui ont tout perdu, située dans un pays jamais nommé ressemblant beaucoup à la France d’aujourd’hui, résonne de manière très particulière dans l’esprit du lecteur. Cette guerre, nul ne l’a vraiment vue venir ni surtout ne sait bien pourquoi elle fait rage. L’hiver est là et les fusillades succèdent aux bombardements. En ouverture, celui que l’autrice appelle « Je » est le seul personnage qui s’exprime à la première personne. Il a grandi en rageant contre l’émolliente certitude de la fin de l’Histoire qui berça trop longtemps nos démocraties libérales. Elle vient de voler en éclat. On évacue là où il vit ; il lui faut faire son sac en une heure. Un bagage par personne. Ceux qui enjoignent à le faire n’ont pas vraiment l’air de sauveurs...