« There are levels to this game« , il y a des niveaux, à ce jeu-là. Depuis que l’a claironné le champion de MMA Daniel Cormier, c’est devenu un mantra dans le milieu des sports de combat. Le rappel d’une évidence, celle que la chaîne alimentaire des professionnels a tout d’une pyramide à étages. Elle consiste d’abord en une large base d’anonymes qui ne vivent pas du prizefighting mais sur qui repose tout le système, parce qu’ils permettent à meilleurs qu’eux d’apprendre leur métier. On les reconnaît à leur palmarès riche de défaites, leur pète au casque diversement prononcé et leur mélange d’amour fou et de détestation pour ce sport. Au dessus-d’eux, on trouve les bons boxeurs, souvent en équilibre financier précaire, qui cachetonnent pour ambiancer le début d’une soirée ou tester un talent en devenir. Ils connaissent la musique, ce que l’on attend d’eux, les espoirs qui leur sont permis et ceux qui ne le sont pas. Souvent, ils restent à leur place, parfois ils chapardent un bout de gloire qu’on promettait à d’autres qu’eux.

Ces autres-là, ce sont les grands noms, ceux qui remplissent les sièges, déjà des athlètes d’exception. Sachant que la boxe est le plus dur des sports, ils auraient sans doute pu s’illustrer ailleurs. La vie a choisi pour eux, ou bien l’on tient des putains de passionnés, têtus de surcroît. Ils sont disciplinés, costauds, éduqués, endurants, vifs, résilients. Ils sacrifient beaucoup pour pas tant que ça. On cause d’eux sur internet et dans la presse locale. Ils gagnent des ceintures mais feront de vilains vieux, sûrement pas des très fortunés. C’est que le vrai jackpot ruisselle peu. On l’encaisse tout là-haut, à la cime, chez les stars, les cadors, la crème de la crème. Les champions qu’on achète en pay per view parce qu’en plus des qualités de leurs voisins du dessous, ils jouissent de vrais super pouvoirs qui les rendent quasi intouchables. Ils titillent l’imaginaire du grand public qui s’encanaille, les plumitifs enfilent sur eux les plus ciselés de leurs poncifs, ils peuvent enflammer pour un soir le béotien qui pigera dix pour cent de ce qu’il verra sur le ring, et qui en sera ravi.

Il y a des niveaux, à ce jeu-là.

Dans l’orgie de bonne boxe proposée samedi soir dernier, l’adage a pu se vérifier ou faire réfléchir à chaque combat.